E1: The beginning – Verner

Le Don de Gary, Première saison

Verner

« Je voudrais que tu te ramènes devant
Que tu sois là de temps en temps
Et je voudrais que tu te rappelles
Notre amour est éternel
Et pas artificiel » Louise attaque

Gary c’est mon frère.

Mon petit frère.

Et Gary me manque, il Nous manque… Cruellement.

Il faut dire que nous n’aurions jamais vécu tout ça sans lui, grâce ou à cause de lui. Nous avons frôler la mort milles fois, nous avons failli sombrer dans les méandres de la folie à maintes reprises, mais nous avons vécu tant de choses merveilleuses, tant de choses que l’esprit humain ne peut concevoir, tant de choses qui nous ont amenées ici, maintenant, que l’on ne peut lui en vouloir.
Gary c’est notre Clef, sans lui les portes restent closent.

A cette époque, nous habitions à Nageville-Sur-Mer. Une petite ville industrielle sur la pointe de La Hague. Il n’y avait pas grand-chose ici, quelques barres d’immeubles, un centre ville ridicule et l’immense entreprise de retraitement des déchets : la RDT de La Manche. Entreprise qui d’ailleurs nourrissait plus de 80 % des foyers.

Dont le notre ..

Muller, c’est mon nom, c’est notre nom, à Gary et moi.
Nous habitons cité Léon Blum, un petit immeuble HLM de 5 étages récemment construit pour, en partie, accueillir les ouvriers de la RDT. La vie y était plutôt paisible quoi qu’ennuyeuse. Notre père, Hans, était chauffeur de bus.. Enfin, du Bus qui faisait les allers-retours entre le cente ville et l’usine. Plusieurs fois par jour, il quittait le foyer au rythme des horaires en 3×8 des ouvriers. Et ce tous les jours de la semaine et même certains week-end quand personne ne pouvait le remplacer.
Gisèle, notre mère, ne travaillait qu’à mi-temps, elle était très malade et ne se déplaçait qu’en fauteuil, trop faible pour pouvoir marcher sur ses deux jambes. Elle était responsable d’un secteur sensible de la RDT : Le recyclage des déchets radioactifs. Mais, alors qu’elle était enceinte de Gary, il y eut une fuite, un accident à l’usine, on pense que c’est là que son cancer débuta.
J’étais très jeune à l’époque et je n’ai aucun souvenir de ma mère marchant. Pour moi, elle a toujours était c
omme ça, faible et trisite, et très tôt j’ai appris à m’occuper de Gary qui lui aussi était… Différent.
Mes parents me racontaient parfois comment ils avaient failli le perdre, comment il était né plus de deux mois avant la date prévue et comment il avait survécu par miracle grâce notamment à Jacqueline, Jacqueline Duchemin, la meilleure amie de ma mère, infirmière et mère de Capucine.
Je n’avais que 3 ans ou 3 ans et demi lorsque Gary tomba gravement malade, une méningite. C’est « ce truc qui lui a bousillé une partie du cerveau » disait mon père, un truc si violent pour un si petit enfant qu’il en est devenu muet, totalement muet.  Gary n’émettait aucun son.. Jamais… Il pleurait en silence, il riait en silence, il avait peur… En silence. Un silence pesant, un silence lourd, un silence dérangeant… Je crois qu’au début Gary me faisait peur. Mais il était si faible…
Et je dus m’en occuper, le surveiller nuit et jour alors que je n’avais pas 5 ans.. Et ce fut.. Ma vie d’enfant…
Nous dormions dans la même chambre, c’était plus simple, plus pratique. Si Gary se réveillait, j’étais sa voix pour aller chercher Papa ou Maman. Entre nous, une sorte de symbiose s’était créée, je le comprenais, je ressentais ses émotions, je vivais au rythme de ses terreurs nocturnes et de ses angoisses d’enfant muet. Et quelles angoisses !!
Gary avait toujours peur, peur du noir, peur des bruits soudains et peur… des portes !
Oui, aussi loin que je puisse me souvenir, Gary angoissait à l’idée de franchir le seuil d’une porte. C’était comme s’il hésitait, comme s’il observait et parfois il reculait, il s’agitait, il trépignait refusant d’aller plus avant. Alors je devais lui prendre la main, le rassurer et, en l’accompagnant, il acceptait d’avancer…

Putain de portes….

Et j’ai grandi avec cette responsabilité, avec ce devoir, avec ces paroles que me répétaient sans cesse mes parents « fait attention à ton petit frère ». Au final, je me demande aujourd’hui si j’ai un seul jour vécu pour moi…
Gary et moi avions une sorte de langage, un code pour nous comprendre, un code basé sur des dessins. Je dessinais pour mon petit frère des petits bonhommes tout en fil de fer. Je les représentais dans différentes postions, avec différentes émotions, dans différents lieux pour que l’on puisse communiquer. Notre chambre était couverte de ces croquis enfantins et naïfs. Ils nous racontaient nous, ils nous racontaient notre vie. C’est ici qu’est née, je pense, ma passion pour les bandes dessinées et autres albums illustrés dont je raffolais; Tintin était l’un de mes favoris…
A l’âge de Six ans je savais déjà illustrer avec précision les histoires pour enfant que notre père ou notre mère nous racontaient le soir, quand ils avaient le temps… Et à Sept ans, sachant enfin lire, mon tour était venu d’emmener Gary sur les gestes Arthuriennes, les contes de Perrault, d’Andersen ou de Grimm. Et ses nuits devinrent calmes, moins agitées, bercées de légendes et de magie.
Et petit à petit, je m’enfonçais dans une espèce de routine qui m’éloignait des autres enfants de mon âge. Un routine peuplée de mythes, de dessins et de …. Gary !
Quand j’y pense aujourd’hui, j’aurais peut-être pu devenir un grand dessinateur comme Hergé ou Uderzo mais ce daltonisme qui s’aggrave année après année et cette absence totale de liens sociaux qui caractérisait mon enfance, ont eut raison de ma destinée.

Et puis, il y eut l’école primaire, et, en vérité, c’est exactement là que tout commença.
Nos parents aimaient se retrouver entre amis au petit bar PMU au pied de la cité Léon Blum et c’est là, sous un nuage de nicotine, avec l’odeur rance de la bière éventée et le son des courses de chevaux commentées par Léon Zitrone que notre « tribu » s’enracina.
Nous n’étions certainement pas fait pour devenir amis, mais,traînés de-ci de-là par nos parents respectifs, c’est un peu par obligation, ou par hasard, que nous nous apprivoisâmes.
C’est Salvador, le fils de Maurice et Thérèse Macon, qui fît le premier pas je crois. Son Papa, grand activiste communiste et tenancier de notre « cher » PMU, avait l’habitude de parler fort et de hausser rapidement le ton au fur et à mesure que la bière s’écoulait, parfois jusqu’à des heures indécentes pour des enfants. Afin de préserver la santé fragile de leur fils Salvador, Thérèse, la maman, avait pour habitude de l’éloigner de ces soirées néfastes pour lui. Ils avaient en effet installer dans le sous-sol de l’établissement, une petite « chambre », un petit coin douillé pour leur enfant hypocondriaque, hypersensible et maniaque…
Je ne sais plus exactement quand nous fûmes autorisés à descendre à la cave, à « la cabane » comme on aimait l’appeler, sûrement lors d’une soirée plus arrosée qu’une autre ou à un moment de discussion entre adultes… Ce qui est certain, c’est que Salvador nous invita dans son repère et qu’il devint le notre ce jour là.
Je dis le notre, car petit à petit, c’est ici que notre tribu vît le jour.
Nous étions 6… 6 gamins plus paumés les uns que les autres.

Salvador était le tenancier de notre planque secrète, « la cabane ». Toujours habillé comme un parfait petit écolier, il passait son temps à écouter en boucle les albums de Cindy Lauper, à classer sa monumentale collection de capsules de bouteilles, à lire et relire les aventures du Loup Solitaire dont il raffolait et, bien sûr, à dépoussiérer ses étagères. Il faut dire que la moindre poussière entraînait chez lui une sorte de crise d’asthme (bien que l’on n’ai jamais eu de preuve la dessus). Paniqué, il se mettait à s’agiter et seules quelques vaporisations de son inhalateur arrivaient à le calmer. Il fallait donc toujours faire très attention à ne rien déranger et à remettre bien en place les jeux ou objets dont nous étions autorisés d’utilisation. On pouvait s’estimer heureux, même sa sœur Céleste n’avait pas le droit de toucher à ses jeux !!

Camille Mirabelle, elle, c’était un peu notre bagarreuse. Fille-garçon élevée par deux papas qui avaient du mal à assumer leur homosexualité, elle passait son temps à chercher des poux à tout le monde, même à Dimitri Legrand, le cancre notoire de notre école à qui l’on doit une grande part des drames qui jalonnèrent nos existences. Toujours à la recherche d’aventures, elle passait une grande partie de son temps avec son Papa « naturel » Michel,le garde champêtre, à se balader dans les bois de la région à la recherche de champignons et autre baies. Luc, son autre père, était garde barrière à la RDT, un ami de nos parents. Parfois on l’appelait « Lucienne », on se moquait un peu, mais cela déclenchait toujours un grand accès de colère chez Camille, alors on a appris à …à la fermer. Camille avait un frère, Caliste. Bien plus grand qu’elle, il quitta le foyer pour s’engager dans l’armée, sûrement suite à la formation du couple. Camille lui en a toujours gardé rancœur, elle s’est sentie comme abandonnée et ses résultats scolaires s’en ressentaient terriblement. Elle n’était pas idiote, mais la rage qui bouillonnait en elle l’empêchait certainement de s’intéresser de prêt, ou de loin même, aux problèmes d’arithmétiques ou de conjugaisons. Elle préférait de loin s’enfuir à toute vitesse sur son vélo en écoutant à fond les derniers titres de Wham.

Capucine Duchemin, s’était notre … « bizarre ». Dernière d’une fratrie de 5 sœurs, elle s’était inventé un ami imaginaire « Auguste » pour s’éloigner de la méchanceté de ses aînés qui passaient leur temps à la dénigrer. Son père, Lassard, était facteur et sa mère c’était Jacqueline, la meilleure amie de maman. Recluse dans son petit univers, on la surprenait souvent à parler à son caillou. Au début cela nous faisait peur puis, on s’est habitué. Après tout, on était tous au moins aussi bizarre qu’elle non ? Cachée derrière ses lunettes rondes et ses vêtements trop grands, Capucine adorait déjà la lecture, son activité favorite. Mais ce qui la différenciait surtout des enfants que nous étions, c’était son goût particulier pour les romans fantastiques et en particuliers ceux qui abordaient la sorcellerie . Était-ce un signe du destin ? Peut-être…

Et cette petite tribu venait se compléter avec Pascal, Pascal Lepeigne. Fils de Jean-Paul et de Monique Lepeigne, Pascal était fils unique, avec du coup tous les défauts que l’on peut voir chez ces enfants trop choyés par leurs parents. Élevé par sa mère qui ne travaillait pas, Pascal avait une vrai passion pour les sandwichs jambon beurre et les biscuits. Il était capable de nous faire de véritables exposés concernant ces mets dont il avait toujours un exemplaire à sortir de son sac à dos. Passion d’ailleurs qui se lisait sur lui. Pascal était … « gros », bien trop gros pour un enfant de 9 ans, si bien qu’il était très souvent la risée des autres écoliers. A cela rajoutez, un tendance maladive à rougir lorsqu’il parlait aux filles, un chapeau de cow-boy façon Zorro, un pistolet à bouchon et vous avez un portrait parfait du petit garçon « fils à sa maman » qu’il était.

Et tous, nous étions devenus amis… Des amis de malheur si on peut dire… Mais les meilleurs amis du monde !

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